Situation particulière pour les recruteurs de la LNH en temps de pandémie

Publié le 12 juillet 2020 à 9h53
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Le métier de recruteur dans la LNH est probablement l'un de ceux que nous n'avons presque pas l'occasion d'observer au courant d'une saison. Cachés dans un coin de l’aréna, ces passionnés d'espoirs passent la majeure partie de leur temps à tenter de dénicher la prochaine perle qui saura faire briller leur formation pour de longues années à venir.



Toutefois, cette mission est légèrement plus complexe en 2019-20 puisque, vous l'aurez deviné, la pandémie est venue refroidir les ardeurs de ces dépisteurs remplis de passion. Cela dit, comment ces hommes à l'oeil de lynx sont parvenus à réaliser leur travail avec aucun match à assister en personne et en réalisant des entrevues par la magie d'Internet?

Quelques recruteurs québécois ont accepté de commenter le tout au groupe Quebecor et disons que les informations y sont assez intéressantes :



Pour Gilles Côté, ce recruteur d'expérience à l'emploi des Sharks de San José, la situation actuelle dépasse l'entendement de ce à quoi il était habitué :

« On vit quelque chose qu’on n’a jamais vu. Même dans les années de lock-out, il y avait des joueurs juniors à épier. Là, tout est arrêté. En 36 ans dans la Ligue, je pensais avoir tout vu, mais non! »

Jean-Philippe Glaude, qui de son côté tente de dénicher des pépites pour l'alignement des Predators de Nashville, estime quant à lui qu'il n'y a rien comme la tangibilité d'être dans les arénas pour effectuer son boulot :

« Dans notre métier, il faut être dans les arénas. Tu peux investir tant que tu veux sur les outils technologiques avancés, mais rien ne vaut les yeux et l’instinct. »

Comme bien des entreprises, les équipes de la LNH ont pu observer certains avantages du télé-travail, si bien que selon le recruteur de l'Avalanche du Colorado, Jérôme Mésonéro, il ne serait pas surprenant que les formations du circuit Bettman priorisent cette avenue dans le département du recrutement au cours des prochaines années :

« Quand le hockey va reprendre après tout ça, va-t-on nous demander de voyager moins ou d’être plus régional? Faudra-t-il faire beaucoup plus de vidéos? On ne peut pas savoir si des diminutions de budget vont toucher le recrutement. »

« Pour moi, la vidéo sera toujours un bon complément d’analyse, mais pas plus. Je ne serais jamais à l’aise à 100 % d’analyser un joueur sans avoir le feeling du match, du pointage et du contexte. Couper dans le budget de recrutement, ce serait couper dans la matière première du hockey. »


Gilles Côté abonde d'ailleurs en ce sens :

« Je suis pas mal convaincu qu’il y en aura plus [au sujet du télé-travail]. C’est l’argent qui mène. »

« On doit être 25 personnes chez les Sharks qui participent à cinq ou six réunions par année en personne à San José. Imagine un peu les dépenses d’avion, d’hôtel, de per diem... Pour faire de tels meetings par visioconférence, ça ne coûte pas une cenne. Les équipes savent compter. »


Toutefois, Mésonéro estime qu'il pourrait y avoir des bons côtés au travail à distance, comme lors d'entrevues avec les espoirs :

« Ce volet est totalement faisable. Au lieu de dormir une nuit de plus à l’extérieur pour voir un espoir jouer et faire une entrevue avec lui le lendemain, c’est logique de se servir de cet outil. »

Une évaluation du développement réinventé

Dans le monde du recrutement, il y a certes le moment d'évaluer les joueurs afin de pouvoir en faire leur sélection au repêchage, mais il y a également la partie où leur développement doit être scruté à la loupe pour estimer leur progression. Jean-Philippe Côté, directeur du développement des joueurs chez le Lightning, raconte qu'il n'a d'autres choix que de se réinventer pour réaliser son travail :

« Je fais le suivi à distance, mais c’est pas mal moins intéressant que sur la glace en personne. On a donné des outils comme des cliniques et on essaie d’accompagner nos jeunes le plus possible. Certains vont continuer de s’améliorer, mais d’autres ne feront pas ce qu’il faut même s’il n’y a pas d’excuse pour régresser. »

« Je pense aux recruteurs et je me dis que malgré leur dévouement à la vidéo, il risque de leur manquer une panoplie d’informations. »


Parlant d'évaluation, Glaude réalise de son côté que deux événements capitaux ne seront pas à sa portée cette année pour recueillir de précieuses données au sujet des jeunes vedettes de demain :

« On a quand même un très bon topo des joueurs disponibles. Ce qui me manque le plus, personnellement, c’est d’observer comment réagit un jeune sous pression en séries lors d’un septième match. Est-il à l’aise? Est-ce qu’il précipite ses mouvements? »

« Au Combine, tu as l’occasion de rencontrer 80 jeunes individuellement, en plus des tests de conditionnement physique. En poussant, on peut accéder à quelques données, mais ce n’est pas la même chose qu’en temps normal. »


Si Glaude affirme qu'il pourrait être privé d'informations importantes, Denis Fugère, recruteur chez les Kings, semble être d'avis tout à fait contraire :

« On a tous fait énormément de vidéos sur des joueurs qui vont sortir en septième ronde. J’ai l’impression de connaître les gars par c½ur et ça devient redondant », rigole-t-il.

« Je dirais que d’une certaine manière, le prochain repêchage est presque surpréparé, mais différemment que d’habitude. »


D'ailleurs, Fugère et Côté avouent qu'il pourrait y avoir quelques inquiétudes au moment de recommencer leur travail habituel, mais au final, la passion de leur travail fera fi de tout :

« J’aurai peut-être une petite crainte de l’avion au départ, mais je voyage surtout en voiture. Les hôtels, il faudra leur faire confiance. Et ça fait déjà longtemps que je traîne du Purell avec moi en voyage. » - Denis Fugère

« Il faut juste que je me protège un peu. Les Sharks ne veulent pas que je m’en aille. Mon boss a dit récemment à ma femme : Tu n’es pas prête de ravoir ton mari! » - Gilles Côté


À la lumière de ces différents propos, on remarque que chacun de ces recruteurs québécois ont vécu la pandémie de différentes manières dans leur travail. Ils auront d'ailleurs encore quelques mois pour parfaire leur connaissance au sujet des différents espoirs, alors que le repêchage de la LNH devrait avoir lieu les 9 et 10 octobre prochains.
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